Cuisine & salle de bains : comment le numérique redessine les parcours d’achat… tout en restant à la porte du showroom

Dans un monde où la digitalisation bouscule les habitudes d’achat à grande vitesse, certains univers résistent encore – mais pour combien de temps ? C’est le cas de l’aménagement de la cuisine et de la salle de bains, deux espaces intimes et hautement symboliques du foyer. Une étude récente s’est penchée sur leur rapport au numérique, et les résultats sont clairs : le digital gagne du terrain, mais le physique reste le roi. Pour combien de temps ? Et surtout : dans quelles conditions ce point d’équilibre pourrait basculer ?

La cuisine, bien plus qu’un lieu de cuisson : un espace de vie qui dicte ses codes

La cuisine n’est plus une simple pièce fonctionnelle. Elle est devenue, au fil des années, le théâtre du quotidien, le refuge familial, l’atelier créatif et même le décor de notre vie sociale. Pour nombre de foyers, c’est un lieu stratégique de la maison, parfois plus important que le salon. On y cuisine, on y discute, on y partage, on y transmet – et on y reste parfois plus de trois heures par jour.

Cette charge émotionnelle explique pourquoi l’achat d’une cuisine est un projet engageant, parfois même initiatique. Ce n’est pas qu’un meuble : c’est une vision de la vie qu’on aménage.

Et cette dimension rend le parcours client particulièrement complexe. Ici, le showroom physique conserve une valeur irremplaçable : voir, toucher, se projeter dans l’espace, comprendre la logique des agencements.

La salle de bains, elle, joue une autre partition : celle du retrait, du soin de soi, de la déconnexion. Moins investie collectivement, moins associée à la convivialité, elle génère des projets souvent plus courts, plus simples, et moins émotionnels – donc moins dépendants du contact physique, sans toutefois s’en émanciper.

Une digitalisation à géométrie variable : entre inspiration en ligne et besoin d’ancrage réel

Le numérique a bien sûr infiltré ces deux univers, mais à des degrés très différents selon les profils d’acheteurs. Trois typologies émergent :

Les Connectés Ordinaires, très majoritaires, mènent un parcours d’achat classique, où le digital complète le physique sans le supplanter. Pour eux, Internet est une source d’inspiration et de comparaison, mais le magasin reste le cœur de l’expérience

Les Opportunistes arbitrent selon les besoins du moment : un bon rapport qualité/prix, un style séduisant, une offre claire, un SAV fiable. Leur parcours est hybride par opportunisme plus que par conviction.

Les Uber Digitaux, enfin, adoptent un mode de consommation ultra-digitalisé. Ils utilisent des outils de conception 3D, s’inspirent sur Instagram, lisent les avis clients, et préfèrent la personnalisation en ligne aux conseils en point de vente. Mais même eux gardent un point de contact physique, ne serait-ce que pour valider les matériaux ou finaliser la pose.

Le digital n’est pas rejeté : il est perçu comme utile, inspirant, parfois rassurant. Mais il n’est pas encore jugé suffisant à lui seul, notamment pour des projets impliquant des montants élevés et une forte attente en matière de finition.

Vers un parcours "phygital" : intégrer le digital sans désincarner l’expérience

Si le digital ne remplace pas le physique, il peut en revanche l’enrichir, l’amplifier, l’optimiser. C’est là tout l’enjeu des prochaines années : inventer un parcours phygital cohérent, qui commence en ligne, se poursuit en magasin, et continue parfois en ligne jusqu’à la livraison.

La feuille de route est déjà esquissée :

Mieux présenter les produits en ligne, avec des visuels inspirants, des descriptions détaillées, et des conseils d’usage concrets.
Développer des outils d’aide à la décision : simulateurs, comparateurs, calculateurs de budget.
Intégrer la réalité augmentée pour permettre aux utilisateurs de se projeter chez eux, de tester les couleurs, les formes, les agencements.
Et surtout : maintenir un service humain à toutes les étapes du projet. L’accompagnement, la personnalisation, la pose, le SAV restent des piliers essentiels du parcours.

En résumé, la digitalisation ne doit pas désincarner l’expérience d’achat cuisine ou salle de bains : elle doit la rendre plus fluide, plus lisible, plus rassurante, sans sacrifier la richesse sensorielle et humaine de ces projets si personnels.

Conclusion : le défi n’est pas de digitaliser la cuisine, mais d’en préserver l’âme

L’aménagement d’une cuisine ou d’une salle de bains, ce n’est pas seulement acheter des meubles. C’est construire un espace de vie, prolonger une vision du foyer, et parfois même transmettre un art de vivre.
Dans ce contexte, le digital est un levier, pas une finalité.

L’avenir du secteur repose sur sa capacité à marier le meilleur des deux mondes : la puissance du numérique pour l’inspiration et la projection, et la force du réel pour la personnalisation et l’accompagnement.

En cuisine comme en salle de bains, c’est en respectant l’émotion que le digital trouvera sa juste place.